mercredi 18 février 2009

Extraits du livre de Roland Barthes: 

“ FRAGMENTS D'UN DISCOURS AMOUREUX ”

“Pas un prêtre ne l'accompagnait”
p 249

SEUL. La figure renvoie , non à ce que peut -être la solitude humaine du sujet amoureux, mais à sa solitude “philosophique”, l'amour-passion n'étant aujourd'hui pris en charge par aucun système majeur de la pensée (de discours).

1. Comment appelle t-on ce sujet là, qui s'entête dans une “erreur”, envers et contre tout le monde, comme s'il avait devant lui l'éternité pour se “tromper” ?_ On l'appelle un relaps. Que ce soit d'un amour à l'autre ou à l'intérieur d'un même amour, je ne cesse de “retomber” dans une doctrine intérieure que personne ne partage avec moi.

3. La solitude de l'amoureux n'est pas une solitude de personne (l'amour se confie, il se parle, se raconte), c'est une solitude de système: je suis seul à en faire un système (peut-être parce que je suis sans cesse rabattu sur le solipsisme de mon discours). Paradoxe difficile: je puis être entendu de tout le monde (l'amour vient des livres, son dialecte est courant), mais je ne puis être écouté (reçu “prophétiquement”) que des sujets qui ont exactement et présentement le même langage que moi. (...)

4. Tel l'ancien mystique, mal toléré de la société ecclésiale dans laquelle il vivait, comme sujet amoureux, je n'affronte ni ne conteste: simplement, je ne dialogue pas: avec les appareils de pouvoir, de pensée, de science, de gestion, etc.; je ne suis pas forcément “dépolitisé”: ma déviance, c'est de ne pas être “excité”. En retour, la société me soumet à un refoulement bizarre, à ciel ouvert: pas de censure, pas d'interdiction: je suis seulement suspendu a humanis, loin des choses humaines, par un décret tacite d'insignifiance: je ne fais partie d'aucun répertoire, d'aucun asile. 

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